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Christine Zurbach Universidade de Évora

christine zurbach universidade de évora (portugal) le rôle de l’imprimerielibrairie dans la vie théâtrale portugaise au xvi
27 Nov, 2023
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CHRISTINE ZURBACH UNIVERSIDADE DE ÉVORA (PORTUGAL) LE RÔLE DE
christine zurbach universidade de évora (portugal) le rôle de l’imprimerielibrairie dans la vie théâtrale portugaise au xviiie siècl
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Christine Zurbach
Universidade de Évora (Portugal)
Le rôle de l’imprimerielibrairie dans la vie théâtrale portugaise au
XVIIIe siècle : une étude de cas
Dans cette approche du théâtre centrée sur «le théâtrecôté texte», on
se propose d’analyser ici l’écrit dans le théâtre, sous la forme du
texte imprimé dont les traits permettent, dans certains cas, de
détecter le passage de la scène au livre1 ainsi que de situer le rôle
de l’éditeur qui, comme nous le verrons, peut apparaître comme un
véritable «gardien» du texte et de sa survie dans des circonstances
adverses comme la censure politique ou religieuse, chargée très
souvent de « surveiller la scène »2. À ce sujet, le cas portugais peut
être considéré comme exemplaire, car la censure n’a cessé de
fonctionner presque sans interruption à partir de l’introduction de
l’Inquisition au XVIe siècle jusqu’à la fin du régime en 1974.
Nous étudierons le cas de Francisco Luis Ameno (17131793), qui a
exercé le métier d’imprimeurlibraire à Lisbonne et a publié, en 1744,
deux tomes anthologiques de pièces qui composent l’œuvre écrite pour
le théâtre par un dramaturge contemporain, António José da Silva dit
le Juif (17051739). Jouée entre 1733 et 1738 au Théâtre dit du Bairro
Alto à Lisbonne, cette œuvre apparaît dans le contexte historique
particulier du règne de D. João V (17071750) qui correspond à une
période de renaissance de la vie théâtrale nationale. Contre le poids
d’un héritage espagnol encore très influent en raison de soixante
années de domination par le pays voisin, on importe des modèles
littéraires ignorés jusqu’à cette date, français et italiens, que l’on
discutait dans les salons et les académies littéraires et savantes, en
même temps que l’on assiste aux débuts de l’opéra et à l’entrée des
idées philosophiques venues de France, d’ailleurs sévèrement
combattues par une triple censure institutionnelle.
Notre analyse vise à mettre en lumière une fonction sociale et
culturelle prise en charge par cet imprimeurlibraire, du fait de son
double engagement dans la vie et la production littéraire et théâtrale
de l’époque. Nous verrons que, sous plusieurs aspects, les relations
entre ces deux agents culturels – éditeur et dramaturge – s’écartent
de celles que pourrait assumer un éditeur « aux ordres » d’un auteur,
ou limitant son rôle à celui d’un simple commerçant. Il apparaît bien
davantage comme un partenaire du dramaturge dans son parcours de la
scène au texte, et même comme son substitut en tant que dépositaire de
son œuvre, qu’il publie cinq ans après sa mort en autodafé aux mains
de l’Inquisition.
Le dramaturge, son œuvre et son éditeur
L’œuvre de cet auteur n’a guère été étudiée, du moins en détail, avant
que surgissent les travaux mieux documentés de quelques spécialistes
des études portugaises parmi lesquels il faut citer ClaudeHenri
Frèches3 et J. Oliveira Barata4 auteurs de thèses doctorales sur ce
sujet dont le mérite, et l’intérêt pour cette étude, est de s’être
penchés sur le rôle actif de l’imprimeur Ameno dans la sauvegarde de
ce répertoire souvent mal jugé5. Par ailleurs, la biographie d’António
José da Silva dit « Le Juif » est longuement reconstituée et décrite
par Frèches6 dont les recherches permettent d’éclairer le destin
tragique du dramaturge à l’aide des documents réunis pour ses deux
procès. En revanche, le thème du « martyr de l’Inquisition » inspirera
au premier degré de nombreux auteurs par la suite7, au point
d’occulter l’intérêt de son œuvre alors même qu’il a été un auteur
vite connu et reconnu de son temps.
D’origine juive et bourgeoise, le futur dramaturge est né au Brésil en
1705 dans une famille de « nouveauxchrétiens », dénomination utilisée
pour les descendants de juifs convertis au catholicisme. Souvent
attachés à des pratiques traditionnelles d’inspiration judaïque,
ceuxci étaient étroitement surveillés par l’Inquisition et souvent
victimes de dénonciation. Entre 1722 et 1725, António José da Silva
suit des études de droit à Coimbra, au Portugal, avant d’être arrêté
une première fois et condamné à une peine temporelle par le Tribunal
du SaintOffice en 1726, soit à « une peine de prison et au port
perpétuel de l’habit pénitentiel, et à être instruit des mystères de
la foi »8. Il s’installe comme avocat à Lisbonne, mais une nouvelle
dénonciation le conduit à un second emprisonnement en 1737, de même
que sa mère et sa femme Leonor, et il finira par être condamné en
1739. Cité « publiquement comme coupable, négatif et relaps, raisons
amplement suffisantes pour que le Tribunal du SaintOffice le relâche
en chair » (Barata 2000 : 1011), il meurt à l’âge de 34 ans, le 18
octobre, après avoir été étranglé, en même temps qu’aura lieu la
condamnation de l’autre branche juive de sa famille au bagne et à
l’exil.
Poète renommé, António José da Silva a participé au mouvement de
renouveau des Lettres que soutenaient les académies, mais s’il est
notamment l’auteur autographe de deux poèmes, pour la postérité, il
est resté l’auteur d’une œuvre dramatique qui lui a permis de jouir
d’une grande popularité de son vivant. En plus d’une comédie en langue
espagnole, intitulée El Prodigio de Amarante. Comédia famosa, on lui
attribue également huit zarzuelas ou « opéras »9 joués sans nom
d’auteur entre 1733 et 1738, puis réunis et publiés après sa mort sous
le titre Theatro Cómico Portuguez ou Collecção das Operas Portuguezas,
en deux volumes, également sans référence explicite à son nom que l’on
devine dans l’acrostiche des strophes de l’Avis au lecteur. Son
théâtre a eu la particularité de mêler le jeu des acteurs avec
l’emploi de marionnettes, comme cela s’est produit un peu partout en
Europe au début du XVIIIe siècle, dans des parodies très populaires du
tout récent spectacle musical de l’opéra10 Quant au libraire et
imprimeur, Francisco Luis Ameno, il est probablement aussi marqué par
des origines d’ascendance judaïque, car il est né au Portugal, en
1713, dans la région de Miranda do Douro où se concentrait, à
l’époque, une vaste communauté de « nouveauxchrétiens ». Il aurait
adopté le nom Ameno, venant d’un confrère académicien, afin de
camoufler son origine. Inscrit en 172728 à l’Université de Coimbra en
droit canonique, il disparaît l’année suivante, celle de l’arrestation
de son père par le SaintOffice, et on le retrouve, en 1745, établi
définitivement à Lisbonne, où il diffuse apologies, sermons, etc. En
1756, après le tremblement de terre, la prestigieuse Typographie (ou
Officine privée) Patriarcale où il est imprimeur est citée parmi les
meilleures et les plus prospères de la capitale, en concurrence avec
celles qui appartiennent à des étrangers en raison de l’excellence des
types et du soin et de la correction des impressions, selon des
témoignages de l’époque. Influent et prospère, il est dépositaire de
la production de nombreux auteurs dont il publie les œuvres dans des
genres très divers: théâtre, mélodrames, oratoire, panégyrique,
poésie.
Il exerce son métier dans un contexte historique qui précède celui
qui, plus proche de nous, inventera le terme d’éditeur et concevra la
fonction éditoriale dans le sens où nous les connaissons actuellement,
tout comme celui d’auteur qui, avec la fonction auctorielle11, ne
surgira qu’au moment où s’est constitué le champ littéraire moderne :
Le mot d’éditeur, pour désigner l’agent qui assure le montage
financier, la supervision technique et la publication d’un ouvrage à
son enseigne, sinon même, en amont, la conception de cet ouvrage, ne
se rencontre guère avant les débuts du XIXe siècle, son emploi étant
demeuré confiné jusquelà, en règle générale, dans une stricte
acception philologique, par référence à celui qui, savant ou érudit,
s’attache à établir la lettre d’une œuvre, soit par la mise en forme
du texte conformément à son manuscrit, soir par collation critique des
différentes versions connues, soit encore en l’accompagnant d’un
commentaire savant. Dans les siècles précédents, l’office éditorial
s’est trouvé tour à tour recouvert par les appellations d’imprimeur,
de libraire ou encore de libraireimprimeur.12
Pour les spécialistes, ceci n’est pas qu’une affaire de mots, mais de
représentations distinctes du métier et du livre : « imprimeur »
valorise, au XVIe siècle, le savoirfaire technique, tandis que
« libraire » et « libraireimprimeur », au XVIIe et au XVIIIe siècles,
désignent bien la fonction d’un agent économique et culturel, car, en
effet, le plus souvent, et justement dans le cas présent, ce dernier
cumulait l’édition, c’estàdire, le choix des textes à publier, la
fabrication, la diffusion et la vente du livre.
La publication: de la scène au livre
La caractéristique principale de l’œuvre traitée dans cette étude
réside dans l’engagement de son auteur, António José da Silva, dans la
(re)construction du théâtre national qui, avec l’appui de l’État,
avait été prise en charge par les agents de la vie culturelle les plus
capables, dès les premières années du XVIIIe siècle. Ce sont eux qui
finiront par donner un nouvel élan au théâtre joué dans les salles, en
le dotant d’une existence consolidée sur le plan social et aussi
économique. Tandis que les académies s’occupent de la réhabilitation
de la dramaturgie nationale, sans parvenir toutefois à lui donner un
statut autre que purement littéraire, les compagnies de théâtre
ellesmêmes accueillent de nouveaux genres et de nouveaux auteurs
importés de l’étranger et adaptés par la traduction. L’adoption de
l’esthétique baroque européenne promeut, finalement, le triomphe du
modèle italien sur l’héritage espagnol de Lope de Vega et de Calderón,
et l’ascension du spectaculaire, sous l’influence croissante des
architectes, scénographes et machinistes associés au nouveau genre à
la mode, l’opéra.
Écrites pour la scène, les pièces de António José da Silva ont été
accueillies dans l’un des tout premiers théâtres publics ouverts à
Lisbonne, celui du Bairro Alto – également dénommé « Casa do
Divertimento » ou « Casa dos Bonecos do Bairro Alto » – qui fonctionne
dès 1733 dans une salle du Palácio do Conde de Soure et restera actif
jusqu’au tremblement de terre de 1755. Ces spectacles sont très
applaudis, entre 1733 et 1738, par un public cultivé, appartenant à
l’aristocratie et aux Académies, sensible aux idées des Lumières
venant d’Europe13 et, donc, prédisposé à recevoir sans préjugé un
théâtre tourné vers la critique sociale, la satire des mœurs et la
contestation du pouvoir établi. Jouées à l’aide de grandes
marionnettes articulées appelées bonifrates et par des comédiens et
des chanteurs, ces œuvres comiques sont la synthèse d’airs chantés et
de récitatifs sur des partitions de António Teixeira. Proches du genre
de la zarzuela ou de la comédie giocoseria, elles sont appelées «
opéras » par l’auteur luimême pour cette raison et ont une autre
particularité, celle d’employer la langue portugaise et, donc,
d’entrer ainsi en concurrence avec le répertoire musical de l’époque
où venait d’entrer l’opéra chanté en italien, appelé « dramma per
musica ».
Ce théâtre, qui est essentiellement un répertoire d’œuvres écrites
pour une salle de spectacles, n’a pas été publié du vivant de
l’auteur, sauf deux d’entre elles, et l’on sait aussi qu’« aucun opéra
du ‘Juif’ n’a paru sous son nom au XVIIIe siècle »14, et si la
première édition de son œuvre complète, en deux volumes, ignore encore
le nom de l’auteur, elle indique et rappelle, en revanche, le lieu et
la date de représentation des pièces.
Comment en eston venu à les publier ? Il semble que, en 1744, lorsque
l’imprimeur Ameno offre à son public de lecteurs une première version
de cet ensemble, à présent fixé par l’écrit sous le titre global de
Theatro Cómico Portuguez, un premier sens qui peut être donné à son
geste est à chercher dans une stratégie de « marketing » éditorial
motivé par le grand succès des opéras de António José à l’époque. En
tout cas, l’édition est un exemple de réussite commerciale si l’on
considère les nombreuses rééditions de 1747, 1753, 17591761,
17871792, etc.
Mais il est vrai également que cette entreprise commerciale a surtout
eu l’avantage de fixer les écrits du dramaturge en circulation, en
défense de l’auteur et de ses droits, après sa mort en 1739. L’édition
signale, en effet, que l’ouvrage a été approuvé par la censure : « com
todas as licenças necessárias »15 et que l’éditeur a obtenu un
privilège16 pour dix ans.
On sait que trois d’entre elles avaient déjà été publiées isolément
auparavant dans des opuscules ou feuilles volantes, appelées «
folhetes de cordel »: Le Labyrinthe de Crète (1736), les Guerres
(1737) – annoncé par l’imprimeur António Isidoro da Fonseca comme «
obra jocoseria que se ha de fazer na Casa do Bairro Alto neste
Carnaval de 1737 » – et les Variétés de Protée (1737). À quel type de
publication correspondaient ces feuilles volantes ? Injustement
ignorées par les travaux académiques, mais réhabilitées par les
nouveaux historiens depuis les batailles pour une révision de la
conception traditionnelle des territoires de l’historien, ces
publications correspondent à un commerce prospère fondé sur la
production d’un vaste ensemble de textes, anonymes et sans date ni
lieu de publication (Lisbonne ou province), qui sont publiés en petit
format, à peu de frais, et distribués par des vendeurs ambulants dans
les foires ou par les sociétés d’aveugles. Le genre le mieux
représenté est celui du théâtre, avec des textes dont la désignation
générique révèle une explosion du mélange des genres littéraires et
qui semblent avoir été destinés surtout à la lecture à haute voix,
pour un public dont le niveau d’érudition a pu être très hétérogène.
Francisco Luis Ameno proposerait, ainsi, en 1744, une publication «
sérieuse » ou érudite de cette production théâtrale pour acteurs et
marionnettes de AJS. L’édition « officielle » par Ameno17 a dû
(vraisemblablement) vouloir répondre à une situation courante et avoir
été faite non seulement en vue de corriger ces contrefaçons qui
circulaient librement depuis les représentations faites au théâtre du
Bairro Alto – en bénéficiant de leur succès commercial – , mais aussi
en vue d’une lecture passive, destinée à un autre type de lecteur et
d’attente esthétique, comme le montre la comparaison avec les copies
fidèles du manuscrit qui portent les traces typiques d’un texte mis au
service du passage à la scène en vue du spectacle.
L’ensemble est particulièrement soigné: la publication est intitulée
Theatro Comico Portuguez ou Colleção das Óperas Portuguezas que se
representaram na casa do Theatro Publico do Bairro Alto de Lisboa,
offerecidas à muito nobre Senhora Pecúnia Argentina et contient une
table des matières, une dédicace, un avis au lecteur, une remarque du
collecteur, le privilège royal, le visa de la censure et les titres
des opéras inclus dans ce tome. Deux remarques sont à faire : le nom
de l’auteur est absent et n’apparaît que dans l’acrostiche des
strophes de l’avis au lecteur : « Antonio Joseph da Silva » dont
l’auteur est, en fait, l’éditeur.
Le rôle prédominant de ce dernier est bien visible, et s’il est
explicable en raison de la condamnation et de l’exécution du
dramaturge en 1739, il n’en est pas moins significatif et va dans le
sens des raisons exprimées dans l’Advertência do Colector pour
justifier cette publication : il s’agit de« renouveler le plaisir de
les lire et de les recréer »18. Ainsi, si l’on s’en tient à une
définition de l’éditeur en tant que libraireimprimeur – l’agent qui
imprime et vend les ouvrages des auteurs, donc, exerçant deux
activités qui ont eu tendance à se confondre jusqu’à cette date –,
Ameno semble s’en écarter. Selon Anselmo19, la séparation s’était
installée dès le XVIe siècle entre le métier d’imprimeur et celui de
libraire, lequel s’occupe de trouver les nouveautés et les ouvrages
qui se vendent sans difficultés, comme n’importe quel commerçant.
Ajoutons que le privilège obtenu pour dix ans répond aux intérêts d’un
commerçant obligé de tenir compte de la concurrence et, pour cette
raison, dépendant de l’obtention du « privilège » d’impression – sorte
de protection du pouvoir dans un univers qui ignore tout ou presque du
droit d’auteur ou de propriété littéraire. Il en allait de même pour
les cas de traducteurs ou adaptateurs de textes populaires jouissant
d’une certaine notoriété, et aussi pour les livres liturgiques,
juridiques et scolaires, les ouvrages de médecine, les feuillets, les
calendriers, et même les gazettes périodiques.
Mais, selon l’historien du livre Ramado Curto20, le mouvement
académique avait réussi à occuper une position centrale à cette
époque, ce qui est un signe visible du début d’une
professionnalisation du statut des écrivains venant ainsi poser de «
nouveaux problèmes à l’organisation d’un marché centré sur les
intérêts des imprimeurs et des libraires » dont la prospérité ne
saurait être mise en cause – notamment des libraires les plus riches,
en général étrangers. Après 1755, Ameno est cité parmi les «
imprimeurs et libraires qui contrôlent, sur le plan de l’offre, un
marché » du livre florissant, structuré en fonction d’intérêts
corporatifs et de groupe : « los[sic] quebrados se van
restalbleciendo, y forneciendo com cuidado, actualmente de los
estrangeros venden yà com buen sortimiento : el genovez Gnesso [Gneco
?], Dubeux, Bertrand, Bonnardel, Ginoux. Há em Lisboa las seguientes
officinas de Impression : Manescal, Miguel Roiz, S. Vicente, Ameno. Y
una o outras mas”21. La richesse de ce type de commerçants est liée à
l’impact, sur la demande, de politiques pédagogiques, missionnaires et
de catéchisme, avec des effets de massification de la lecture, et
aussi à la divulgation des savoirs techniques (agriculture) ainsi qu’à
l’importance des livres importés, même si certaines images de lecteurs
données par la littérature de l’époque peuvent surprendre22: on trouve
des ouvrages sur l’art de bien boire chez un curé de province, ou des
livres achetés uniquement pour remplir des étagères…
Ce cas pose, finalement, la question de la propriété littéraire, en
tant qu’aspect juridique de cette activité à l’époque et, en
particulier, dans ce cas, celle de la valeur littéraire et commerciale
du livre et de l’œuvre littéraire.
Inscrit dans le contexte d’une grande vitalité de la vie théâtrale et
éditoriale, la publication de l’œuvre de ce dramaturge est un exemple
intéressant, sans doute, pour l’histoire (du commerce) du livre, car
il présente des affinités avec ce que notre actualité littéraire
appelle le bestseller, mais il l’est aussi pour celle des processus
de canonisation – dans ce cas par l’anthologisation éditoriale qui
propose à l’acheteur une version parfaite des écrits d’un auteur déjà
rendu populaire grâce au théâtre et à une première mise en circulation
de son œuvre par des feuilles volantes…
En fait, entre le producteur d’écrit et son public récepteur, la
relation n’est pas simplement binaire, mais révèle un parcours – une «
chaîne de publication » ou un « réemploi d’écrits »23 sous plusieurs
formes dans des contextes de réception croisés.
Ainsi, il est permis de se demander de quel « texte » l’on parle ici
et de quels lecteurs ? des spectateurs ayant vu la pièce ? ou
d’autres, nonspectateurs ? qui sont ces lecteurs d’un genre que tout
semble rattacher à des pratiques de lecture croisées – texte et scène
réunis ?
En fait, l’objet publié, cette œuvre théâtrale donnée à lire en tant
que livre, porte des « traces de la réception postulée »24– celle d’un
texte pour le théâtre –, et ceci grâce à l’éditeur Ameno et à la
spécificité de son intervention dirigée sur les textes euxmêmes.
Cette posture peut être due à une donnée importante. En effet,
Oliveira Barata25 a pu détecter qu’Ameno a été associé à la direction
(como empresário) et à la production de ce théâtre de bonifrates au
Bairro Alto où travaillait la compagnie de da Silva. Ses interventions
dans les textes comme remendón ou adaptateur consolident la
probabilité de l’hypothèse selon laquelle l’éditeur a apporté des
retouches aux textes manuscrits de son ami dont il deviendra, après sa
mort, le légataire. Ainsi, la publication de 1744 a pu être produite
en restant proche du texte joué, mais, comme celleci est destinée, à
présent, à un contexte autre que celui de la représentation,
c’estàdire à celui de la réception par la lecture du texte fixé par
l’écrit, on remarque que certains dispositifs typographiques
s’efforcent d’annuler la distance entre la scène et le texte imprimé.
Cet aspect est particulièrement visible dans les didascalies. Dans le
vaste corpus du théâtre baroque portugais écrit et imprimé entre 1730
et 1750, cellesci portent souvent les marques de l’influence d’un
genre nouveau, celui de l’opéra récemment introduit à Lisbonne et de
sa dimension spectaculaire. Leur dimension peut les rapprocher de
véritables livrets parallèles à l’action racontée : «Les didascalies
baroques dépassent la simplicité des indications scéniques. Ils
s’assument comme de véritables « scénarios » pour une mise en scène»,
écrit J. O. Barata, qui ajoute qu’elles sont aussi le reflet d’une
«organisation du monde qu’il est difficile de ne pas mettre en rapport
avec des postulats scientifiques et philosophiques appartenant
clairement au XVIIIe »26. Dans les cas de Esopaida et Anfitrião ou
Jupiter étudiés par27 Barata, la comparaison entre les manuscrits qui
ont servi de canevas pour le spectacle et les textes imprimés de 1744
montre que les didascalies introduisent des indications plus précises
dans le texte manuscrit. Par exemple, les caractéristiques
socioprofessionnelles des personnages sont modifiées : un personnage
est désigné par HOMEM alors qu’il était un TENDEIRO ; de même entre
MULHER et COUVEIRA ou PRIMEIRO HOMEM et SOLDADO PRIMEIRO ou encore
SEGUNDO HOMEM et SOLDADO SEGUNDO.
Ces traces expriment les liens entre les textes et les objets
manuscrits et imprimés qui les portent, dans la suite des actions
entre producteur et récepteur, là où le rôle de l’intermédiaire montre
la transmission (du texte) ellemême comme manifestation d’un procédé
inscrit dans une histoire culturelle et sociale. En effet, le théâtre
de António José da Silva – tel qu’il nous apparaît dans les textes
parvenus jusqu’à nous – révèle des choix d’écriture qui sont autant
l’expression des rapports entre un code littéraire (baroque) que des
modalités de la rencontre entre l’écrivain et ses publics successifs :
spectateurs, lecteurs communs et spécialistes ou théoriciens.
Les métatextes montrent l’agent responsable de la publication de ce
théâtre qui se publie comme publiant (en particulier dans l’avis au
lecteur qui est surtout un discours sur la publication, mais il faut
bien lui ajouter l’affirmation de sa mise en avant dans la position
d’auteur. En effet, Ameno est également cité comme un érudit
relativement cultivé, luimême auteur d’opéras et de farces qu’il
signe par des pseudonymes (Fernando Lucas Alvim, ou anagrammes de
Nicolau Francez Siom, Lucas Moniz Cerafino, ou Lenor Tomásia de Sousa
e Silva). Connaissant l’italien, il est également reconnu comme un
excellent traducteur de la dramaturgie des réformateurs : de
Metastasio, il traduit sous le nom de Fernando Lucas Alvim : Alexandre
na India, Zenobia em Arménia, A Clemência de Tito, Demofonte em
Trácia, Antigono em Tessalónica, Semiramis Rconhecida, Temístocles em
Susa; anonymement Aquiles em Siro, qui seront réunis en un seul volume
intitulé Teatro Dramático ou Colecção das Óperas que compôs em língua
italiana o abade Pedro Metastásio ; de Goldoni: A Família do
Antiquário ou a Sogra e a Nora, 1755; de Cristobal de Monroy: Com a
Inveja se vencem fortunas28.
Un autre symptôme des choix esthétiques de Fernando Lucas Alvim est la
publication (non datée) d’une traduction attribuée à Ameno du Il
Teatro ala moda (1720) du vénitien Benedetto Marcelo (16861739) qui
attaque et satirise les excès du mélodrame, genre né à Florence et
très en vogue en Europe dès la fin du XVIe siècle. Cette version
signifietelle une prise de position sur les problèmes du théâtre de
la deuxième moitié du XVIIIe siècle et son cosmopolitisme exubérant –
Miranda29 cite les « Aventureiros » ou « Maschere » communs au théâtre
portugais et italien – et devant les débuts de l’opéra italien à
Lisbonne dans la dernière décennie du XVIIIe siècle ? Elle est, en
tout cas, l’affirmation de son identification avec le théâtre de
Metastasio, Goldoni et Apostolo Zeno, pour la défense d’un nouveau
modèle littéraire et contre le divorce entre poésie et musique, pour
un retour aux sources classiques, avec les Arcades. Le masque du
théoricien ou plutôt – sans anachronisme – celui du critique de
théâtre complète, ainsi, sans surprise ce portrait d’un éditeur
théâtral exemplaire dans son temps.
1 Roger Chartier, Do Palco à página. Publicar teatro e ler romances na
época moderna – séculos XVIXVIII, Rio de Janeiro, Casa da Palavra,
2002.
2 Georges Banu, La scène surveillée, Arles, Actes Sud, 2006
3 ClaudeHenri Frèches, António José da Silva. « El Prodígio de
Amarante. Comédia famosa », éd. critique, introd. notes et glossaire,
Lisbonne, Livraria Bertrand, Paris, Les Belles Lettres, 1967.
4 José Oliveira Barata, « Préface », António José da Silva, sous la
direction de Pierre LégliseCosta, Montpellier, Maison Antoine Vitez,
2000, p. 920 ; António José da Silva. Criação e Realidade, vol. I &
II, Coimbra, 1985.
5 Selon Frèches, l’œuvre de António José da Silva « a passé pour basse
et indigne d’étude littéraire », l’auteur étant taxé « de médiocrité,
sinon de grossièreté », jusqu’à une reconnaissance récente par des
études et des mises en scène le révélant comme « un dramaturge
remarquable, le fondateur du vaudeville au Portugal », op. cit., p. 5.
6 Op. cit., p.  921.
7 L’étude de Francisco Maciel Silveira (Concerto barroco às óperas do
Judeu, São Paulo, Editora Perspectiva, 1992) consacre ses deux
premiers chapitres à ce type de fictions dont la première, António
José ou o Poeta e a Inquisição, a été écrite à Bruxelles en 1836 ;
d’inspiration romantique et nationale, elle est due au brésilien
Gonçalves de Magalhães. La dernière en date, d’influence brechtienne,
appartient au portugais Bernardo Santareno qui choisit le titre O
Judeu pour ce texte de 1966, écrit en pleine crise du régime fasciste
de Salazar, mais qui a dû attendre la fin de la censure, en 1974, pour
être joué en 1981 au Théâtre Nacional, l’ancien Palais de Estaus,
siège de l’Inquisition…
8 Op. cit., p.1415.
9 Quatre de ses huit pièces sont disponibles en traductions en langue
française réalisées respectivement par MarieHélène Piwnik pour Vie du
Grand Don Quichotte de la Manche et du Gros Sancho Pança (1733),
Isabel Violante pour La Vie d’Ésope (1734), MarieClaire Vromans pour
Amphitryon ou Jupiter et Alcmène (1736) et Ana CorteReal et Pierre
LégliseCosta pour Les Guerres du Romarin et de la Marjolaine (1737) ;
cf. Les Cahiers Maison Antoine Vitez. Centre International de la
traduction théâtrale, António José da Silva, «O Judeu», dit «Le Juif»,
Montpellier, Climats, 2000. Voir également José Oliveira Barata, « Préface »,
António José da Silva, sous la direction de Pierre LégliseCosta,
Montpellier, Maison Antoine Vitez, 2000, p. 920.
10 Frèches, op. cit., p. 2338.
11 Alain Viala, Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature
à l’âge classique, Paris, Minuit, 1985.
12 Pascal Durand et Anthony Glinoer, Naissance de l’éditeur. L’édition
à l’âge romantique, ParisBruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2005,
p.19. En effet, les dictionnaires du XVIIIe siècle proposent,
successivement, une définition de l’éditeur comme imprimeur (Furetière
1694), puis de l’éditeur comme « homme d’étude qui a soin de l’édition
de l’ouvrage d’un autre» (Trévoux 1734 ; Richelet 1759). Le terme est
employé également pour le libraire qui publie un ouvrage à ses frais
(Académie 1849).
13 Voir : Francisco Maciel Silveira, Concerto barroco às óperas do
Judeu, São Paulo, Editora Perspectiva, 1992 ; Natalia Correia,
« Introdução ao teatro de António José da Silva, O Judeu”, in
Anfitrião ou Júpiter e Alcmena, Lisboa, Circulo de Leitores, 1971.
14 Frèches, op. cit., p. 33.
15 J. O. Barata, António José da Silva. Esopaida ou vida de Esopo,
Coimbra, 1979, p. 37, note 41.
16 Sur ce sujet, voir Christian Jouhaud et Alain Viala, (études
réunies par), De la Publication. Entre Renaissance et Lumières, Paris,
Librairie Arthème Fayard, 2002, notamment p.121159.
17 J. O. Barata, António José da Silva. Esopaida ou vida de Esopo,
Coimbra, 1979, p. 40.
18 Silveira, op. cit., p.119.
19 Artur Anselmo, Livros e Mentalidades, Lisboa, Guimarães Editores,
2002, notamment p.6581.
20 Diogo Ramado Curto, « A história do livro em Portugal : uma agenda
em aberto », Leituras, ver. Bibl. Nac. Lisboa, S.3, nº910, out.
2001Out.2002, p.1361.
21Ibid. p. 45, Ramado Curto cite Piwnick, Échanges érudits dans la
Péninsule Ibérique (17501767), Paris, Fondation Gulbenkian, 1987,
p. 125.
22 Curto, op. cit., p. 4647.
23 Jouhaud et Viala, op. cit., p. 6 et p. 13.
24 Ibidem, p. 9, note 5.
25 António José da Silva. Criação e Realidade, vol. I, Coimbra, 1985,
p. 183184.
26 « “Máquina do Mundo” e poesia cénica : significado das didascalias
no teatro barroco», in Poesia da CiênciaCiência da Poesia, Lisboa,
Escher, 1992, p. 27.
27 Barata, Esopaida ou Vida de Esopo, Coimbra, Acta Universitatis
Conimbrigensis, 1979, p.3049.
28 José da Costa Miranda, Estudos lusoitalianos. Poesia
épicocavaleiresca e teatro setecentista, ICALP, 1990, p. 204.
29 Idem, p. 350.
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